Petit cocktail d'actualités juridiques par une passionnée du droit
Pour rappel, l'implantation illégale d'un ouvrage public est constitutive d'une voie de fait. Dès lors, le juge judiciaire a le pouvoir de prescrire, depuis 2002 (Tribunal des Conflits, 6 mai 2002, Epoux Binet c. EDF, n°02-03287), des mesures de nature à porter atteinte à un ouvrage public irrégulièrement édifié. Mais, si l'ouvrage est susceptible d'être régularisé, le juge est susceptible de prononcer la régularisation. Celle-ci peut avoir attrait aux actes ayant autorisé l'édification auquel cas il appartient à l'Administration d'adopter une décision substantiellement différente et à laquelle l'ouvrage se conforme. Elle peut également avoir attrait au droit de propriété sur le terrain d'emprise de l'ouvrage. En cas d'emprise irrégulière, la régularisation peut consister dans un accord amiable avec le propriétaire soit pour acquérir le foncier, soit pour autoriser l'implantation de l'ouvrage; A défaut, l'appropriation forcée (procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique) pourrait être prononcée.
Mais dans ce cas et ici dans le cas d'espèce, il faut que trois conditions soient remplies : d'abord que l'opération présente un caractère d'intérêt général, ensuite que l'expropriation apparaisse nécessaire, enfin que l'opération présente un bilan coût-avantage positif. Ces critères sont cumulatifs. Le seul fait de vérifier que la première condition est remplie ne saurait suffire pour en déduire que le bien serait nécessairement de nature à bénéficier d'une expropriation. Dans le cas d'espèce, le Conseil d'Etat a sanctionné la Cour pour n'avoir retenu que ce simple critère. Insuffisant donc.
Le Conseil d'Etat va plus loin dans cette condition. La procédure d'expropriation doit être susceptible d'aboutir et il faut que l'expropriation ait été envisagée. Il appartient donc au maître d'ouvrage de rapporter la preuve qu'il a engagé les démarches pour engager cette procédure. Les exigences du juges administratifs se font donc plus sévères ou tout plus strict pour éviter que le maître d'ouvrage ne reste inactif.
La régularisation doit donc présenter un degré de certitude suffisant et ne saurait être simplement éventuelle. Cette interprétation restrictive est susceptible de s'appliquer aux autres conditions. La charge de la preuve sera donc plus difficile à rapporter et s'en est donc fini de l'expropriation indirecte par la simple présence de l'ouvrage et donc de l'intangibilité de l'ouvrage public.
Conseil d'Etat, 28 février 2020, Hamdi c/ ERDF, n° 425743
Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 28/02/2020, 425743 | Legifrance
Conseil d'État N° 425743 ECLI:FR:CECHR:2020:425743.20200228 Mentionné dans les tables du recueil Lebon 2ème - 7ème chambres réunies M. Paul Bernard, rapporteur M. Guillaume Odinet, rapporteur...
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