Petit cocktail d'actualités juridiques par une passionnée du droit
Par un arrêt en date du 20 décembre 2024, le Conseil d'Etat était saisi par la Société Q Energy concernant l'arrêté du Préfet de la Nièvre porte autorisation unique adopté le 29/11/2017.
La Société Q Energy s'était vue délivrer une autorisation unique pour l'implantation et l'exploitation d'un parc éolien composé de 8 éoliennes et 3 PDL sur les territoires des Communes de St-Quentin-sur-Nohain et St-Laurent-l'Abbaye.
Par jugements, le TA de Dijon avait d'abord, sursis à statuer pour permettre au Préfet d'adopter un arrêté modificatif pour régulariser l'arrêté initial. Un arrêté modificatif a été adopté par le préfet le 16/03/2021. Le TA de Dijon a sursis une nouvelle fois à statuer pour permettre une nouvelle régularisation. Puis, une fois le nouvel arrêté pris le 23/11/2021, le TA de Dijon a finalement annulé les 3 arrêtés (initial du 29/11/2017, modificatif du 16/03/2021 et nouveau du 23/11/2021).
En appel, sur la requête de la Société Q Energy, la CAA de Lyon a annulé les jugements du TA de Dijon (arrêt du 09/03/2023 n° 22LY01069).
L'ensemble des parties s'est pourvu en cassation devant le Conseil d'Etat au motif que plusieurs erreurs de droit auraient été commises par la CAA de Lyon.
Le sujet central est celui du respect des dispositions du Code de l'environnement d'une part sur la dérogation espèces protégées (DEP - art.L.411-1 CEnv.) et d'autre part sur la protection de la nature de l'environnement plus largement (art.L.511-1 CEnv.).
Le Conseil d'Etat retient que : " les dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-2 mettent en place un régime spécifique de protection des espèces protégées qui ne se confond pas avec les intérêts protégés de manière générale par l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Il s'ensuit qu'un risque d'atteinte portée à des espèces protégées peut apparaître suffisamment caractérisé pour que le projet nécessite l'octroi d'une dérogation sur le fondement de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, sans pour autant être d'une nature et d'une ampleur telles qu'il porterait, sans qu'aucune prescription complémentaire puisse l'empêcher, une atteinte à la conservation de ces espèces justifiant d'opposer un refus sur le fondement de l'article L. 511-1 du même code.".
Le Conseil d'Etat examine donc l'arrêt de la CAA de Lyon pour identifier s'il y a eu erreur de droit au regard de l'article L. 511-1 CEnv. Il retient plusieurs appréciations qui relèvent toutes de la protection des espèces protégées de sorte que la Cour n'a pas commis d'erreur en analysant l'arrêt sous l'angle de la DEP sans qu'il n'y ait d'atteinte aux intérêts porté de manière générale par l'art. L. 511-1 CEnv.
Le Conseil d'Etat relève toutefois que la Cour a omis de se prononcer sur l'éventuelle nécessité d'une DEP à l'égard de plusieurs espèces de chiroptères. En ce sens et uniquement dans cette mesure, l'affaire est renvoyée devant la CAA. Pour le reste, les pourvois et demandes sont rejetées.
Le Conseil d'Etat témoigne de la rigueur des juridictions dans l'analyse des moyens et rappelle l'importance de ne pas confondre la protection générale de la nature et de l'environnement (art. L. 511-1 CEnv.) et la protection instituée au profit des espèces protégées (art. L. 411-1 CEnv.).
Il est donc important de vérifier le fondement de l'arrêté préfectoral puis des moyens soulevés devant les juridictions en cas de contestation dudit arrêté, notamment lorsque les DEP nécessaires au projet ont bien été sollicitées et obtenues par le développeur du projet.
Conseil d'Etat, 20 décembre 2024, Association Les Robins des mâts et a. c/ Sté Q Energy, n° 473862