Petit cocktail d'actualités juridiques par une passionnée du droit
Par un arrêt du 10 novembre 2016, la Cour de cassation a retenu que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.
La Cour de cassation a d'abord rappelé le principe selon lequel est réputé constructeur de l’ouvrage, toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire.
En l’espèce, un particulier avait acquis une maison à usage d’habitation, qu’il a ensuite revendue à un couple de particuliers après avoir réalisé des travaux d’extension et de réfection notamment de la toiture. Les nouveaux propriétaires se sont plaints rapidement d’infiltrations d’eau et ont demandé réparation du préjudice au vendeur.
La Cour d’appel avait, dans un premier temps, rejeté la demande des acquéreurs en considérant que les défauts affectant les travaux de réfection de la toiture et de la toiture terrasse étaient nécessairement connus des époux (acquéreurs). En effet, selon les juges, les défauts étaient apparents et ne pouvaient échapper à l’attention du professionnel dont ils s’étaient adjoints les services afin d’avoir un avis éclairé. Or, en ne renonçant pas à la vente dans le délai légal de 7 jours à compter de la signature du compromis, ils avaient acquis la maison d’habitation en connaissance de cause.
Ce raisonnement n’a pas été retenue par la Cour de cassation qui est venue censurer cet arrêt en rappelant que relèvent de la garantie décennale les désordres, apparents au jour de la vente, qui rendent l’ouvrage impropre à sa destination ou qui compromettent sa solidité.
En l’espèce, les désordres étaient effectivement apparents mais la question est celle de savoir qui était le maître de l’ouvrage.
En l’espèce, le vendeur est celui qui a procédé aux travaux de rénovation, notamment de la toiture, lesquels ont été réalisés avant la vente de la maison. Dès lors, il était le maître de l’ouvrage. Dès lors que les vices affectant la maison sont devenus apparents à la vente, ils relèvent des désordres cachés à la réception des travaux. Ainsi, les acquéreurs peuvent appeler le vendeur en garantie.
Ainsi, la Cour de cassation écarte le principe classique selon lequel la connaissance des vices par l’acquéreur exclue la responsabilité du vendeur.
Enfin, pour engager la responsabilité du maître d’ouvrage, il appartient au juge qui constate que des désordres sont apparents de vérifier si ces désordres sont, ou non, de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination. Or, la Cour d’appel n’a pas vérifié si c’était le cas. Elle a exclu le jeu de la responsabilité décennale alors même que l’expert judiciaire avait, lui, retenu que l’immeuble ne fonctionnait pas et que ce désordre compromettait la destination de l’ouvrage. Dès lors, son arrêt est cassé.
En somme, la Cour de cassation rappelle que la garantie décennale vise les ouvrages rendus impropres à leur destination et précise l’office du juge pour apprécier la nature des désordres. Ensuite, elle apprécie la qualité du maître d’ouvrage, sur qui pèse cette garantie décennale, au jour même de la réception des travaux qu’il avait commandés. Elle écarte le principe de droit commun des vices connus. Enfin, elle retient que le caractère apparent ou caché des désordres s’apprécie au jour de la réception, qui correspondait pour celui-ci à l’achèvement des travaux.
Cour de cassation, 3ème chambre civile, 10 novembre 2016, n° 15-24.379