Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
ProfessionnElle du Droit

Décennale #2

9 Décembre 2015 , Rédigé par Virginie Prévôt Publié dans #Compétence, #Responsabilité

Décennale #2

Par son arrêt du 21 octobre 2015, le Conseil d'État confirme la place de l'article 1792-4 du Code civil comme fondement en droit administratif de la responsabilité décennale du fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance. La responsabilité décennale des constructeurs participant à l’exécution d’un marché de travaux publics est fondée sur les principes dont s’inspirent les règles du code civil au titre de la responsabilité dans le cadre de l’exécution des contrats de louage d’ouvrage.


Si en principe, il n’appartient qu’au juge judiciaire de connaître de l’action dirigée par le maître d’ouvrage contre la personne privée (TC 23 octobre 2001, Commune de Rivière Saas n°3253) ; en revanche, il appartient au juge administratif de connaître de l’action en responsabilité décennale solidaire du fabricant et du constructeur en vertu de la loi dite Spinetta (Loi n°78-12 du 4 janvier 1978). Cette loi a introduit quatre critères cumulatifs pour identifier les éléments d’équipements pouvant entraîner une responsabilité solidaire (« EPERS ») de sorte que cette qualité tient à la nature de l’élément, conçu ou fabriqué pour une utilisation unique et spécifique et à ses modalités de mise en œuvre, conforme aux prescriptions du fabricant sans modification.

La Cour avait d’abord rappelé le principe du tribunal des conflits selon lequel « le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, quel que soit le fondement juridique de l’action engagée, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé » (TC 24 novembre 1997, Sté de Castro, n°030060). Ensuite, elle a exclu la qualité de sous-traitant de la Société Esportec et a la qualification d'EPERS et retenu qu’elle avait simplement la qualité de fournisseur de la Société Merlot TP. Ce litige soulève à nouveau la question de la qualité des parties au litige et notamment celle de « participant à l’exécution des travaux » dès lors que la compétence du juge administratif est reconnue pour toutes les actions en responsabilité entre les participants, qu’il s’agisse de litiges horizontaux, entre prestataires, constructeurs et sous-traitants, ou de litiges verticaux entre maître d’ouvrage et participants. Les fournisseurs des entrepreneurs exécutant un marché n’ont jamais été regardés comme des participants (TC 22 mai 2006 Sté Favilor). Si le fabricant apparaît comme entrant dans une catégorie distincte de celle des fournisseurs, c’est uniquement au vu des dispositions du code civil relatives à la responsabilité décennale des constructeurs. Mais le fait que les fabricants n’aient pas de lien contractuel avec le maître d’ouvrage n’est pas un obstacle à lui voir reconnaître la qualité de participant. Mais ici, la Société Esportec était un fournisseur et non un sous-traitant. Par suite, c’est à bon droit que la Cour en a déduit que sa responsabilité ne pouvait être solidairement recherchée devant le juge administratif sur le fondement de l’article 1792-4 du code civil.

Dans une seconde partie de son arrêt le Conseil d’Etat rappelle le principe selon lequel le maître d’œuvre qui s’abstient d’attirer l’attention du maître d’ouvrage sur des désordres affectant l’ouvrage dont il pouvait avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l’ouvrage ou d’assortir la réception de réserves, commet un manquement à son devoir de conseil de nature à engager sa responsabilité. Le caractère apparent ou non des vices en cause lors de la réception est sans incidence sur le manquement du maître d'œuvre à son obligation de conseil, dès lors qu'il avait eu connaissance de ces vices en cours de chantier. Dès lors que le maître d'œuvre aurait pu avoir connaissance du vice s'il avait accompli sa mission selon les règles de l'art, le fait que ce vice n'ait pas présenté un caractère apparent à la réception est indifférent pour que soit retenu un défaut de conseil à la réception.

CE 21 oct 2015 C. Tracy-sur-Loire, n°385779

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :