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ProfessionnElle du Droit

L’indemnisation du manque à gagner en cas de remise en concurrence du contrat résilié

7 Juin 2018 , Rédigé par Virginie Prévôt Publié dans #Marchés Publics

Dans une décision du 26 mars 2018, le Conseil d'Etat a statué sur l'indemnisation du préjudice subi par une entreprise suite à la résiliation de plusieurs marchés. Une entreprise peut-elle être indemnisée suite à la résiliation d'un marché dont elle est titulaire alors qu'un second marché lui a confié sensiblement les mêmes prestations ?

 

 

En l’espèce, le port autonome de Nouvelle-Calédonie (PANC) avait lancé un marché de travaux pour le prolongement du grand quai du port de Nouméa.

 

Quatre lots ont été confiés à un groupement d’entreprises dont la Société Balineau était membre. Suite à la défaillance de deux autres sociétés du groupement, la PANC a partiellement puis totalement résilié ce marché.

 

La Société Balineau a alors saisi le Tribunal administratif (TA) de Nouvelle-Calédonie d’une demande d’indemnisation au titre du préjudice subi du fait de cette résiliation. Le Tribunal puis la Cour administrative d’appel de Paris ont tous deux rejeté cette requête.

 

La Société titulaire du marché résilié a donc formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat.

 

Le Conseil d’Etat rappelle que lorsqu’il est saisi d’une demande d’indemnisation du manque à gagner résultant de la résiliation unilatérale d’un marché public pour motif d’intérêt général, il lui appartient, pour apprécier l’existence d’un préjudice et en évaluer le montant, de tenir compte du bénéfice que le requérant a, le cas échéant, tiré de la réalisation, en qualité de titulaire ou de sous-traitant d’un nouveau marché passé par le pouvoir adjudicateur, de tout ou partie des prestations qui lui avaient été confiées par le marché résilié.

 

Ensuite, le Conseil d’Etat rappelle que, lorsqu’à la date à laquelle le juge statue sur le litige relatif à la résiliation, il résulte des circonstances particulières de l’espèce que, alors même que le titulaire du marché n’a pas exécutés les prestations ou que leur exécution n’est pas encours, alors le titulaire est susceptible d’être chargé, dans un délai raisonnable, de tout ou partie de ces prestations à l’occasion d’un nouveau marché. Aussi, il appartient au juge administratif de surseoir à statuer sur ‘existence et l’évaluation du préjudice né de la résiliation.

 

Or, dans cette affaire, il ressort des faits qu’à la suite de la résiliation du marché litigieux, le PANC en avait bien conclu un nouveau marché, le 23 juin 2014, cette fois avec la Société Dumez-GTM-Nouvelle-Calédonie.

 

La Cour administrative d’appel de Paris avait relevé qu’il résultait de l’instruction que les prestations confiées à la Société Balineau dans le cadre de ce second marché, en qualité de sous-traitant, étaient, pour l’essentiel, identiques à celles qui lui avaient été attribuées au titre du marché initial résilié.

 

Pour motiver son arrêt de confirmation des deux jugements de première instance défavorables à la Société Balineau, la Cour administrative d’appel avait, à bon droit, pris en compte, pour apprécier l’existence et évaluer le montant du préjudice dont se prévalait la société requérante, le bénéfice que celle-ci était susceptible de réaliser en tant que sous-traitant pour des prestations identiques à celles du marché résilié.

 

Mais, finalement, pour rejeter les conclusions d’appel, la Cour a retenu que le préjudice dont se prévalait la Société du fait de la résiliation du premier marché n’était qu’éventuel. Pour ce faire elle estime qu’il n’était pas établi que le PANC aurait, après la résiliation du second marché, définitivement décidé de renoncer à passer un nouveau marché pour les mêmes prestations, ni que la Société ne pourrait être chargée d’exécuter tout ou partie de celles-ci.

 

Or, le Conseil d’Etat considère que la Cour administrative d’appel de Paris a entaché son arrêt d’une erreur.

 

En effet, selon lui, pour fonder et apprécier l’existence du préjudice dont se prévalait l’entreprise évincée et en évaluer le montant, le Conseil d’Etat considère que le juge doit prendre en compte le bénéfice que la société était susceptible de réaliser en tant que sous-traitant dans le cadre du second marché pour des prestations identiques à celles du marché initial, qui a été résilié.

 

De façon générale, le juge ne peut refuser l’indemnisation du manque à gagner au seul motif qu’il n’est pas certain que l’acheteur aurait, après la résiliation du second marché, définitivement décidé de renoncer à passer un nouveau marché pour les mêmes prestations et que la société ne pourrait être chargée d’exécuter tout ou partie de celles-ci.

En cas de contentieux, l’acheteur a donc tout intérêt à informer le juge de ce qu’il envisage de lancer une nouvelle procédure d’attribution du marché résilié pour obtenir la plus juste évaluation du manque à gagner de son cocontractant dans le cas où ce dernier remporterait le nouveau contrat.

 

Conseil d’Etat, 26 mars 2018, Société Balineau, n° 401060

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